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Zéro Déchet Touraine

Urba-GPROX : Bilan très positif pour la phase 1 du projet

Vie de l'asso – lundi 14 décembre 2020

Zéro Déchet Touraine a lancé en janvier 2020 une étude technique en faveur d’une diversification des modes de gestion de proximité des biodéchets en habitat urbain dense. Le bilan de la première partie du projet a été présenté vendredi 11/12/2020 aux élus de Touraine Propre, syndicat mixte co-financeur de l’étude.

Le projet Urba-GPROX est une proposition d’étude d’une durée de deux ans (2020-2022) sur la gestion de proximité des biodéchets des ménages en milieu urbain.

En ville, deux modes de collecte et de gestion collective des biodéchets prédominent : la collecte en porte-à-porte de biodéchets en vue de méthanisation ou de compostage sur plateforme industrielle ou le compostage de proximité via des composteurs partagés.

Chaque méthode a ses avantages, mais aussi ses inconvénients : la collecte en porte-à-porte nécessite de fréquents et couteux passages de camions-bennes, tandis que l’implantation de composteurs partagés demande du temps (souvent 1 an de démarches pour créer un site) et des espaces disponibles.

C’est pour explorer de nouvelles pistes que Zéro Déchet Touraine a lancé le projet Urba-GPROX (pour « gestion de proximité des biodéchets en milieu urbain »).

Le projet se structure en 3 volets:

• Conception et test en conditions réelles, à Tours, de deux exemplaires d’un prototype de pré-composteur de biodéchets (requête en délivrance de brevet en cours);

• Structuration d’une filière artisanale et d’une filière industrielle locale pour la fabrication de la version 3.0 du Compostou® (composteur partagé breveté par ZDT) et valorisation des sous-produits de cette activité ;

• Création d’une plateforme d’échange de broyat de branches sur Internet afin de sécuriser l’approvisionnement de sites de compostage de proximité et valoriser les déchets verts des professionnels.

Deux périodes de mise en œuvre ont été définies :

  • 1er janvier 2020 au 30 avril 2020: cofinancement Touraine Propre, Zéro Déchet Touraine
  • 1er juin 2020 au 31 mai 2022: cofinancement Région Centre Val de Loire, ADEME, Zéro Déchet Touraine, Institut de Recherche sur la Biologie de l’Insecte

LA TOURPLUCHE, prototype de « précomposteur »

Grâce au soutien financier de Touraine propre, nous avons pu recruter de janvier à juin 2020, Matthias Castaing, alors en dernière année d’école d’ingénieurs (Supméca, Paris)

Matthias a réalisé les plans d’un nouvel objet-concept pour la collecte des biodéchets en habitat urbain dense. Deux prototypes du modèle le plus satisfaisant en matière de sécurité, d’ergonomie et de robustesse ont été mis au point et testés en conditions réelles, place du Vert Galant, à Tours.

La Tourpluche se présente comme une tour en bois d’un peu plus d’1m10 de haut pour 55 cm de large et 83 cm de profondeur. Elle dispose d’une façade amovible et de trois tiroirs contenant chacun 2 bacs de transport semi-hermétiques. La Tourpluche peut être installée en extérieur sur sol artificialisé (béton, bitume, dallage…) ou en intérieur (hall d’immeuble, de bâtiments publics, d’entreprises).

Ses 6 bacs, d’une contenance totale de 150 litres, contiennent une litière de broyat de branche et permettent de collecter les déchets de cuisine et de table des utilisateurs (22 maximum par Tourpluche).

Contrairement à un point d’apport volontaire (PAV) à biodéchets, qui ne contient pas de broyat de branches, les biodéchets peuvent ici commencer leur décomposition dans de bonnes conditions en attendant d’être transférés sur une mini-plateforme de compostage. C’est la raison pour laquelle la Tourpluche est qualifiée d’unité de base de « précomposteurs », car les biodéchets peuvent y débuter le processus de compostage, qui se poursuivra en plein air.

Six Tourpluches pourront être regroupées sur un même emplacement pour former un précomposteur complet. On pourra par exemple équiper son toit d’un bassin collecteur d’eaux pluviales en périphérie duquel se trouveront des jardinières pour la culture de fruits, légumes et plantes aromatiques à partager.

Réduire l’impact environnemental du compostage

Selon l’ADEME, les plateformes de compostage industrielles ont le pire bilan carbone des différentes méthodes de collecte et de gestion des biodéchets existantes. Ce résultat décevant est en partie dû au transport des biodéchets en camions à moteurs thermiques et à l’émission de protoxyde d’azote (N2O) pendant le compostage, un puissant gaz à effet de serre qui a un potentiel de réchauffement global 265 fois plus élevé que le dioxyde de carbone (CO2) [1]. Le compostage partagé s’en sort à peine mieux, car il est aussi très émetteur de N2O et parfois de méthane (CH4) et d’ammoniaque (NH3), lorsqu’il est mal maitrisé par les utilisateurs (d’où l’importance de se former à nos côtés et de respecter nos consignes!). Or le NH3 a un indéniable potentiel d’acidification et d’eutrophisation. De plus, selon les matières premières utilisées pour fabriquer le composteur (bois local, bois d’importation, plastique neuf, plastique recyclé…), le compostage partagé peut aussi contribuer à l’épuisement des ressources.

Pour réduire ces impacts, nous avons opté pour :

  • Une origine locale pour le bardage et le toit de la Tourpluche (sapin Douglas de Sologne en attendant de pouvoir s’approvisionner en Touraine, un bois qui sert aussi à la fabrication de notre nouveau Compostou) ;
  • La réutilisation de planches de palettes recyclées pour sa façade amovible ;
  • Un transport décarboné et dénucléarisé des biodéchets en triporteur et vélos électriques équipés de remorques, avec rechargement des batteries sur panneaux photovoltaïques ;
  • Une recherche de solutions physico-chimiques pour limiter le dégagement de N2O, de NH3 et de CH4 dans la phase de précompostage.

Le choix de décarboner le transfert des biodéchets nous a obligé à envisager la création de mini-plateformes de compostage (25 m2 seulement) dans un rayon de 10 km maximum autour de chaque précomposteur. Ces plateformes pourront être entourées d’une simple clôture en châtaigner local et installées dans des friches urbaines, des extrémités de parcs publics, en bordure de jardins familiaux, avec l’accord des propriétaires. Des premiers contacts encourageants ont été pris avec la nouvelle équipe municipale de Tours.

Là, les biodéchets seront déversés en tas allongés appelés andains et brassés périodiquement à la fourche par les participants aux transferts (voir plus bas). Ainsi le compostage de ces biodéchets pourra avoir lieu dans les règles de l’art, en contrôlant la bonne montée en température et les taux d’humidité et d’oxygénation des andains et sans recourir à des engins mécanisés.

Depuis le mois d’août 2020, ce système est en place avec un prototype de précomposteur à 2 Tourpluches, place du Vert Galant et une mini-plateforme de compostage au Potager de Loire, exploitation maraîchère en permaculture à La Riche.

Déjà 50 personnes utilisent les deux Tourpluches et participent aux transferts de bidéchets quand c’est possible en compagnie de Jonathan Lecharpentier, guide-composteur salarié de Zéro Déchet Touraine

Tourpluche, un projet participatif et communautaire

Le point le plus original du projet Urba-GPROX est sans doute de proposer un système auto-géré pour la collecte et le traitement des biodéchets des urbains. Il nécessite un investissement initial de 3500 euros, consenti par une collectivité pour la fabrication d’un précomposteur à 6 Tourpluches et pour l’aménagement de sa mini plateforme de compostage. Grâce aux économies de fonctionnement générées par la collecte auto-gérée des biodéchets des habitants, la collectivité pourra amortir cet investissement en moins de 2 ans et dégager jusqu'à 4 471 euros d'économies nettes sur une période de 5 ans.

Le système pourra alors accueillir jusqu’à 132 utilisateurs adultes, à qui nous demanderons une modeste cotisation annuelle (de l'ordre de 6 euros par adulte au foyer, à ajuster selon la conjoncture économique) et 2 heures de bénévolat/an pour accéder au précomposteur. Grâce à ces fonds, la maintenance du précomposteur et son accompagnement par notre guide-composteur sera assurée. Grâce au bénévolat, il sera possible d’assurer jusqu’à 2 transferts de biodéchets par mois. Pour les utilisateurs participants, ce sera l’occasion d’apprendre à composter en andain au contact de Jonathan et de s’engager concrètement au service de la prévention des déchets.

Selon nos calculs, il sera possible de dégager du temps de bénévolat pour rendre service au quartier, œuvrer à la transition écologique, réduire les inégalités, renforcer la cohésion sociale... Nous empruntons ici le concept d'usager-bénévole aux supermarchés coopératifs et participatifs tels que La Louve (Paris) ou le futur Le Troglo, qui devrait voir le jour en Touraine.

Rêvons un peu: 1000 précomposteurs en Touraine permettraient de collecter les biodéchets de 132 000 personnes/an, soit 6 000 tonnes qui sont actuellement enfouies ou incinérées. Ils créeraient un excédent de 160 000 heures de bénévolat au service de notre communauté, 52 000 de travail salarié (soit 32 emplois non délocalisables à temps plein) et dégageraient 60 000 euros de bénéfices par an. Les collectivités partenaires réaliseraient 4,4 millions d'euros d'économies nettes en 5 ans, après un investissement initial de 3,5 millions d'euros, pour lequel elles pourraient percevoir des aides publiques.

Economique, sociale et écologique, la Tourpluche pourrait bien être l’une des solutions les plus efficientes en matière de collecte et de gestion des biodéchets inventées jusqu'à présent. Nous avons présenté ce système aux élus des principales collectivités d’Indre-et-Loire, par le biais de Touraine Propre, et nous espérons qu’ils sauront saisir cette opportunité de progresser ensemble vers l’objectif de proposer à chaque habitant une solution pour le tri à la source de ses biodéchets avant 2025.

S. Moreau

 

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