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Zéro Déchet Touraine

« On a tous quelque chose près d'chez nous pour faire le tri… »

Vie de l'asso – jeudi 10 mai 2018

 Un p’tit bac jaune ou un bac gris… Même sur l’air de Tennessee, Johnny aurait eu bien du mal à léguer ses déchets recyclables dans les espaces publics. Pourquoi ? Nos réponses ci-dessous...

Le tri à domicile c’est (presque) une évidence

1992 marque la création de la filière professionnelle pour accompagner les ménages et les entreprises au tri des emballages, structurée autour de deux éco-organsimes agréés par l'état: Eco-emballages (qui fusionnera en 2017 avec Ecofolio pour donner Citeo) et Adelphe. Depuis, le tri s’est déployé presque partout : plus de 99 % des françaises et des français ont aujourd’hui une poubelle de tri des emballages recyclables, chez eux ou près de chez eux, selon Citeo. Le tri est un geste familier pour beaucoup de français, même si seulement 44 % de la population déclare trier automatiquement [1].

Malgré ces résultats encourageants, le tri a encore bien des marges de progrès, notamment dans les espaces publics.

Pourquoi le tri n’est-il pas encore instauré partout, dans les corbeilles que nous croisons dans les rues, sur les aires de repos, près des routes ? Ces espaces sont pourtant gérés par des collectivités (communes, communautés de communes, département, région…) censées être exemplaires en matière de réduction des déchets à la source ?

Plusieurs raisons à cela : le manque de volonté politique, le manque de moyens, une absence d’incitation financière, ou simplement une absence d’intérêt vis-à-vis de ce sujet. Interpellée sur ce fait, l'élue d'une petite commune du sud Touraine nous a ainsi répondu : « Ah oui, tiens ! C’est vrai, je n’y ai simplement jamais pensé… ».

Le hic des corbeilles de propreté c’est qu’elles n’intègrent quasiment jamais le tri. Pourtant, elles regorgent d’emballages recyclables (un simple coup d’œil vous le prouvera). Des emballages recyclables en verre, en plastique, en métal, en carton mais également des déchets organiques compostables. Une étude menée récemment par Zéro Déchet Annecy a révélé que près de 79% des déchets des corbeilles de propreté de la ville savoyarde étaient recyclables[2]. De plus, selon le paquet Economie Circulaire adopté par la Commission européenne et le Parlement européen, ces derniers devront être obligatoirement triés par tous les producteurs de biodéchets dès le 31 décembre 2023… ça va arriver vite !

France-Allemagne, mère pas tri contre tri nation

En France, il y a énormément de disparité sur le nombre de corbeilles de propreté urbaine entre des villes de tailles comparables:

- 600 à La Roche sur Yon ;

- 1250 à Tours et à Joué-lès-Tours ;

- 1529 à Blois ;

- entre 1700 et 2000 à Angers ;

- 3500 à Annecy…

On retrouve en moyenne une corbeille pour 112 habitants et une corbeille tous les 386 m.[3] Dans la vaste majorité des cas, le tri n’est pas mis en place, donc impossible à respecter. Lorsque le tri n’est pas proposé ou que les corbeilles ne sont pas assez nombreuses, la propreté laisse aussi souvent à désirer. Ainsi, nos rues sont très touchées par le phénomène de « jonchement » (littering en anglais), des déchets jetés négligemment au sol, au mépris de l’environnement, de l’hygiène et du civisme. Résultat, la propreté urbaine coûte chère à la France: 42 €/habitant/an, soit 1,6 milliards d’euros pour la seule année 2013, incluant en plus du ramassage de déchets, des activités génératrices de déchets solides et liquides telles que l’effacement des tags, l’enlèvement de l’affichage sauvage, le nettoiement de la voirie, des déjections canines, etc.

Or, selon le compte-rendu des rencontres franco-allemandes de l’AVPU (Association des Villes pour la Propreté Urbaine), les villes allemandes auraient nettement plus de corbeilles par habitant (1 corbeille pour 77 habitants)[4]) et une corbeille tous les 268 m seulement. Est-ce une des raisons pour lesquelles l’Allemagne est moins touchée par les déchets sauvages alors que la production de déchets ménagers par an et par habitant y est supérieure à la nôtre ? Ce n’est évidemment pas la seule : l’Allemagne oblige les citoyens à trier eux-mêmes selon des critères précis, depuis 1991. Aujourd’hui, on trouve 4 poubelles différentes dans les gares, et dans toutes les cours d’immeuble pas moins de 5 flux principaux sont collectés séparément (papier et cartons, emballages, verre, déchets organiques, ordures ménagères résiduelles). A domicile, l’absence de tri ou un tri médiocre est passible d’amende. Les éco-gestes répétés et acquis à l’école, à la maison et au travail semblent ainsi se prolonger plus naturellement dans les espaces publics allemands.

Selon le site Bio à la Une[5], le système allemand de propreté urbaine se doublerait aussi d’un dispositif citoyen de récupération des bouteilles en verre consignées : « En plus d'inciter les Allemands à prendre part au recyclage des déchets, le système de consigne a fait naître une nouvelle classe de citoyens, les pfandsammler. Autrement dit les collecteurs de consignes. Ceux-ci font tour des espaces publics pour ramasser bouteilles et cannettes vides, laissées à l'abandon. En plus d'être d'utilité publique, l'action des pfandsammler représente pour certains une manière d’arrondir les fins de mois difficiles ».

Densifier pour trier plus ou pour dépenser plus ?

Citeo a pour stratégie d’augmenter la densité de points d’apports volontaires (bornes et colonnes à verre ou à emballages) pour faciliter le tri et augmenter les tonnages collectés. Par exemple, Citeo préconise d’implanter une colonne pour 200 à 250 habitants dans les villes denses. A première vue, Il semblerait judicieux de faire de même pour les corbeilles de propreté, un choix qu’ont fait certaines villes comme Paris, Angers et Rennes dans leurs plans de propreté urbaine.

Mais attention, sans mise en place concomitante de tri dans les espaces publics, cette mesure pourrait bien se révéler contre-productive : une telle densification génère en effet des coûts d’investissements et de collecte supplémentaires pour la collectivité et donc pour les contribuables. Or, si aucune corbeille de tri n’est implantée lors de ces opérations de densification, le contenu de ces poubelles supplémentaires devra obligatoirement être enfoui ou incinéré, augmentant ainsi les frais de traitement pour ledit contribuable. Un meilleur tri (lui-même adossé à une politique zéro déchet territoriale !) permettrait donc d’augmenter les performances moyennes de valorisation des déchets municipaux[6] et de limiter les coûts de gestion.

Mais il y a mieux : le pourcentage de déchets recyclables est si élevé dans les corbeilles de propreté censées collecter des ordures ménagères résiduelles que l’on pourrait imaginer installer uniquement dans les rues des corbeilles de propreté « jaunes » et envoyer directement leur contenu en centre de tri. On serait ainsi à seulement 2 points du pourcentage moyen de refus de tri en entrée de centre de tri en France (18%). Resterait à retirer de ces corbeilles le verre, ce qui serait possible avec un retour généralisé de la consigne...

Le système français actuel est peu incitatif : tout comme les Conseils départementaux, les communes sont généralement exonérées de taxe d’enlèvement d’ordures ménagères[7] ou elles peuvent l’être sur simple délibération de leur conseil municipal. Si certaines collectivités facturent aux communes la collecte et le traitement des déchets communaux au titre de la redevance spéciale[8], les communes en sont souvent exemptées et in fine, ne payent rien pour la collecte et l’élimination de leurs déchets issus des corbeilles de propreté.

Fiscalement parlant, peu d’intérêt donc pour une commune à mettre en place le tri dans les rues. Une iniquité devant la loi entre collectivités et particuliers qui peut faire tiquer les citoyens, qui eux sont fortement incités à trier à domicile et jamais exonérés même lorsqu’ils sont en zéro déchet !

Avec le déploiement de la tarification incitative, certaines collectivités comme Evolis 23 (Creuse) proposent aux communes de réduire leur nombre de corbeilles de propreté. Une communication adaptée suggérant de partir avec ses déchets peut être proposée. Un risque de hausse des dépôts sauvages ? D’autres collectivités en tarification incitative, à l’inverse, déploient des corbeilles de tri sur l’espace public comme à Fontenay-le-Comte. Les colonnes enterrées ne s’ouvrent qu'avec un badge d’accès. Les personnes en dehors du territoire du SYCODEM (syndicat sud vendéen) ne peuvent donc pas utiliser ces colonnes pour l’instant. Toutefois, les futures corbeilles de propreté devraient permettre aux visiteurs hors territoire SYCODEM de déposer leurs déchets recyclables.

Une offre de mobilier urbain fournie mais peu adaptée au tri

Ce qui freine la mise en place du tri dans les espaces publics, c’est aussi l’offre réduite des professionnels du mobilier urbain, qui proposent peu de choix aux communes. L’absence de corbeilles de propreté urbaine est-elle due à une pénurie de l’offre ou de la demande ?

Au dernier salon des Maires et des collectivités locales, sur 20 exposants proposant des corbeilles de propreté seulement 8 proposaient des corbeilles de propreté intégrant le tri. Sur ces 8 exposants, seulement 3 proposaient des corbeilles avec le tri de 3 flux (emballages recyclables, ordures ménagères et verre). Peut mieux faire !

Quelques sociétés (absentes du salon !) tirent leur épingle du jeu, comme Guyon mobilier urbain qui propose 9 modèles avec des corbeilles de tri. La société américaine Connect Sytee (implantée à Aix-en-Provence) a développé un modèle de corbeille solaire connectée (qui permet d’optimiser les tournées en mesurant le taux de remplissage en temps réel) avec la possibilité de compacter les déchets au fur et à mesure. Ces corbeilles, dénommées BigBelly, sont les seules recensées actuellement permettant de faire le tri de 4 flux : verre, emballages recyclables, ordures ménagères et biodéchets (Bip ! Bip !). Plusieurs grandes collectivités ont acheté ces modèles dont le coût unitaire est tout de même de plusieurs milliers d’euros  (cf photo ci-dessous).

(corbeilles de propreté solaires et connectées BigBelly, source: Connect Sytee, tous droits réservés)  

Sineu Graff a vendu des modèles à Metz Métropole avec puce RFID intégrée pour mesurer là aussi le niveau de remplissage des corbeilles. Pour les manifestations temporaires, la société Naturen était présente sur ce salon pour présenter une corbeille biflux pliable. Enfin, pour la catégorie insolite, une société française a créé une corbeille flottante pour nettoyer les détritus à la surface de l’eau dans les ports. Elle s’appelle Seabin.

Une communication minimaliste

La communication associée aux corbeilles est généralement rudimentaire ; quelques pictogrammes peu clairs et souvent inadaptés, surtout lorsque les territoires se sont lancés dans l’extension des consignes de tri.

La communication n’est souvent visible qu’au dernier moment. Or qui s’embêterait à tout lire pour savoir où jeter son emballage ? Une communication visible de loin en hauteur mais également sur la corbeille permettrait un meilleur tri. San Francisco a développé une communication multilingue pour ses poubelles.

Pourquoi ne pas en faire autant pour les corbeilles de propreté ?

En effet, avec le plan tourisme, le gouvernement souhaite accueillir 100 millions de touristes en 2020 en France. Sachant que la production de déchets est corrélée au flux touristique du territoire, il serait bon de penser à une communication visible de loin et multilingue (au moins en anglais pour commencer).

La Touraine et ses corbeilles de propreté

1980, c’est l’année des premières corbeilles sur les grands axes départementaux. Quelques années plus tôt, cela avait été fait sur les axes nationaux, la RN 10 par exemple (devenue D910).

Aujourd’hui, beaucoup de communes ont leurs corbeilles communales. La collecte de ces corbeilles finie généralement dans un bac d’ordures ménagères situé à l’atelier communal.

Les communes ayant des corbeilles de tri sont trop peu nombreuses. Sainte-Maure de Touraine, par exemple, a eu recours à une réalisation coûteuse par un ferronnier d’art. Tours en a quelques-unes aussi. Les propos échangés avec les municipalités ayant des corbeilles de tri révèlent une qualité de tri moyenne. Pourtant nous avons vu que cette mauvaise qualité de tri peut être expliquée par une communication minimaliste, peu visible de loin et sans traduction pour les touristes, par une densité trop faible et un contexte fiscal non incitatif.

La France et ses corbeilles de propreté

Elles sont des centaines de milliers, plus sûrement des millions. Elles ne permettent généralement aucun tri, les corbeilles où l’on peut trier deux flux sont rares. Trier 3 ou 4 flux reste un luxe.

Il y a des corbeilles communales, départementales mais aussi des corbeilles de parc d’attractions, de gares, de station services, de centres commerciaux, de parcs zoologiques et autres lieux de passage où il n’y a également aucun tri alors que des millions de visiteurs qui trient chez eux passent et jettent des millions de déchets. Ces corbeilles permettent au moins de ne pas jeter par terre ces détritus. Et encore ! Certains le font en justifiant leur acte par le manque de corbeilles[9]. Le nudge peut aider comme au Danemark avec des traces de pas vers les corbeilles. Des traces de pas associées à une signalétique représentant les corbeilles de propreté sembleraient plus évidentes pour les passants.

Un compte twitter vient d’être créé pour relayer les actualités en matière de corbeilles de propreté : @corbeilproprete

Une campagne nationale devrait voir le jour prochainement pour mettre ce sujet en exergue pour le grand public.

Et vous ? Y-a-t-il des corbeilles de propreté avec le tri dans votre commune ? Répondez-nous par le biais de ce sondage en ligne afin de faire progresser le tri dans les espaces publics.

https://framaforms.org/corbeilles-de-proprete-communales-1525937524

Si non, vous savez désormais quoi dire à vos chers élus !

Hugo MESLARD-HAYOT & Sébastien MOREAU

 

[1] Etude ipsos & ecoemballage 2014

[3] Article technicité du 13/11/2017 « propreté urbaine : une enquête pointe des disparités entre régions ».

[5] http://www.bioalaune.com/fr/actualite-bio/12618/comment-lallemagne-fait-guerre-aux-bouteilles-vides

[6] Selon l’Ademe dans son document « déchets, chiffres clés éditions 2016 » Ademe.

[8] Cette redevance est obligatoire depuis 1993 pour les déchets des professionnels apparentés à ceux des ménages.

[9] Etude suisse sur le littering (déchets sauvages) : http://www.igsu.ch/files/igsu_littering_prof_2015_fr_1.pdf


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