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Zéro Déchet Touraine

Le 17 juin, agissons contre la réintoxication du monde

Alessandro Pignocchi

"Les hôtels Hilton, les arbres dévastés, les centrales nucléaires sur la Loire, les zones d’activités industrielles mangeuses de terres agricoles, un aéroport parmi tous les autres,… Nous disons BASTA !!".

Zéro Déchet Touraine invite tous ses adhérents et sympathisants à répondre à un appel national relayé par le groupe local Sortir Du Nucléaire Touraine.  Et on vous explique pourquoi.

Naufrageurs naufragés

Selon la Banque de France, l'activité économique française s'est contractée d'environ 32 % pendant la quinzaine de confinement de mars puis d'environ 27 % en avril. En parallèle, selon la deuxième estimation des comptes trimestriels par l’Insee publiée le 29 mai 2020, le PIB a reculé de 5,3 % au premier trimestre 2020.

Le point de vue des économistes libéraux orthodoxes, du gouvernement, des organisations patronales et d'une large partie de la classe politique libérale ou conservatrice, répété en boucle par les médias de masse, est que ce recul économique serait "une catastrophe".

Pour les tenants d'une économie prédatrice, c'est assurément un choc. Pour les proies, en revanche, il s'agit d'une libération et d'un immense espoir. Et pour une fois que la stratégie du choc fonctionnerait en sens inverse, faisant des naufrageurs les naufragés, on ne va quand même pas s'en plaindre!

Cette brutale réduction de l'activité économique a eu en effet de très heureuses conséquences sur notre bien-être et celui de notre environnement, que l'horreur de la crise sanitaire et sa calamiteuse gestion ne doivent pas faire oublier.

Ainsi, la mortalité sur les routes en avril 2020 a reculé de 55,8% par rapport à l'an dernier. Un record historique.

Selon une enquête menée par Greenly du 16 mars au 10 avril 2020 sur un panel de 500 utilisateurs de son application d'évaluation d'empreintes carbone individuelles, l’empreinte carbone du panel a diminué de 60% durant le confinement. Cet excellent résultat a été rendu possible grâce à une forte réduction de l'utilisation des transports et une consommation très modérée des ménages connectés.

A une toute autre échelle, le Haut conseil pour le climat a indiqué pour sa part dans un rapport publié en avril que les émissions de gaz à effet de serre (GES) françaises devraient baisser de 30 % entre le 17 mars et le 10 mai. D'ici à la fin de l'année, ce sont près de 45 millions de tonnes équivalent CO2 qui pourraient ne pas être rejetées dans l'atmosphère, soit environ 5 à 15 % de la quantité annuelle de carbone émise habituellement par la France. Inespéré!

Cette chute spectaculaire de l'empreinte carbone de la France met enfin notre pays sur une trajectoire compatible avec le respect des accords de Paris qui visent, rappelons-le, une réduction des émissions de GES de 27 % d'ici 2028 par rapport à l'année 2013 et de 75 % d'ici 2050.

Des fortes baisses de polluants atmosphériques règlementés ont été constatées par Airparif en Ile-de-France du 17 mars au 6 avril 2020, par exemple jusqu’à -50% le long du trafic pour le dioxyde d’azote (polluant local principalement émis par le trafic routier). En région Centre Val-de-Loire, Lig'Air a observé une baisse allant jusqu'à 66% des oxydes d'azote. Atmo France confirme des baisses de -30 à -75% selon les villes françaises sur les oxydes d’azote.

Nombre de nos concitoyens ont découvert qu'ils avaient un corps et qu'ils pouvaient beaucoup s'amuser avec, comme en témoignent la hausse spectaculaire du nombre de français pratiquant la course à pied ou le vélo et, dans un autre registre, la forte augmentation des ventes en ligne de jouets sexuels (qu'importe d'avoir du sexe à piles, du moment qu'elles sont rechargeables).

Près de 1000 km de pistes cyclables supplémentaires ont été temporairement créées, qu'il importe désormais de péreniser et d'étendre.

Le jour du dépassement, cette date fatidique qui, chaque année, nous indique que nous vivons au-delà sur des ressources non renouvelables, va reculer de 3 semaines cette année (22 août) à l'échelle mondiale pour retrouver un niveau comparable à celui de 2004. C'est peut-être l'amorce d'un tournant historique.

Partout, la solidarité a repris du terrain et l'individualisme a reculé. Là où on nous promettait chaos et destruction sans société de consommation fonctionnant à plein régime, nous avons  prouvé collectivement que l'entraide et l'autogestion sont à même de résoudre bon nombre de problèmes. De quoi redonner foi en ces millions d'anonymes qui constituent nos concitoyens.

Une carte interactive recense les effets positifs du confinement, en France et à l'étranger. C'est une vraie liste à la Prévert, voyez plutôt: Un chevreuil profitant d'une plage bretonne désertée, un sanglier sur la croisette, la mer de Portsmouth soudainement turquoise, des demandeurs d'emploi embauchés massivement pour replanter 10 milliards d'arbres au Pakistan, les sommets de l'Himalaya visibles à 200 km de distance pour la première fois depuis 30 ans, le traditionnel smog côtier britannique qui accueillait les touristes arrivant en bateau, disparu...

C'est donc à se demander si les 32% d'activité économique qui ont disparu eux aussi pendant le confinement, ne seraient pas en fait  32% de trop... Car avoir tous ces bienfaits sur le long terme, contre seulement 32% de réduction d'activité, ça mérite quand même qu'on y réfléchisse, qu'il y ait débat, voire referendum d'initiative citoyenne... Mais bizarrement, personne n'a songé à nous demander ce qu'on en pense...

La catastrophe ne serait-elle donc pas plutôt de remettre la machine à gaspiller, à tuer, à déprimer en route?

Comme le souligne Greenly, "nous ne devons pas répéter les erreurs d'une relance économique post-confinement entrainant un rebond majeur des émissions carbones et de la pollution".

L'enjeu est donc de convertir rapidement notre économie à un modèle de développement bas-carbone afin de limiter, voire d'éviter, un effet Rebond. Méfions-nous de ces faux-amis qui appellent à une transition économique et écologique la plus graduelle possible. Ce serait le meilleur moyen qu'elle n'advienne jamais. Les premières et secondes révolutions industrielles ont-elles été douces et graduelles? Parlez-en aux fantômes des luddites, brutalement assassinés pour s'être opposés à l'essor du machinisme industriel au XIXème siècle... On aimerait que la transition écologique s'installe de manière totalement choisie, et non subie. On rêverait que tous les acteurs du marché se lèvent un jour avec une irrépressible envie de changer leurs pratiques. Mais quand bien même nous aurions le temps pour un tel changement (ce que nous n'avons plus faute de tergiverser), on sait aujourd'hui que les entreprises n'évoluent QUE sous la contrainte. Aider aveuglément toutes les entreprises "à s'en sortir", reviendrait à réduire les contraintes qui peuvent s'exercer sur elles, négativement et positivement, et in fine, les empêcherait d'évoluer et de surmonter les prochains chocs.

Les économistes épouvantés de la Banque de France tablent déjà sur le fait que cette crise économique se transformera en crise sociale et prévoient un pic de chômage record l'an prochain. De son côté le gouvernement relance sans contreparties sérieuses les secteurs industriels les plus polluants de France avec des fleuves d'argent public: automobile, aéronautique, BTP, tourisme, armement... Pourquoi relancer ces "fleurons" de l'industrie française polluante des années 1960, alors que tous les grands groupes ont d’ores et déjà annoncé leur intention de licencier massivement? Ces secteurs sont condamnés car ils sont condamnables. Quelques exemples?

La pollution de l’air provoquerait chaque année le décès prématuré de 48 000 personnes en France selon Santé Publique France. En juillet 2015, une commission d’enquête du Sénat a estimé a minima le coût non-sanitaire de la pollution atmosphérique à 4 milliards d’euros par an et le coût sanitaire, entre 68 et 97 milliards d’euros par an. Or le trafic routier est une source importante d’émissions de polluants atmosphériques.

Renault a lancé à Dieppe en 2017 la production d'une luxueuse séquelle, la nouvelle Alpine, dont le moteur surpuissant émet trop de CO2 au regard des normes actuelles. Résultat, depuis le 1er janvier 2020, un malus écologique de 2544 euros, en hausse de 59% par rapport à 2019, s'applique sur cette voiture, ce qui représente une surtaxe de 5% sur le prix d'achat du véhicule. Trop cher. Renault aurait donc décidé l'arrêt de la chaine de production, sacrifiant au passage des centaines d'emplois. Aurait-il  été impensable de faire produire à Dieppe une petite citadine populaire, légère et bon marché? Et de la concevoir de sorte à ce qu'elle soit aisément réparable et convertible à l'électrique si un jour cette technologie devenait moins polluante?

Autre incompréhensible dépense annoncée par le gouvernement: 15 milliards d'euros pour sauver l'aéronautique et développer "un avion vert". On se pince, on se dit qu'il doit y avoir une erreur... mais non, c'est sérieux. On nous refait le coup du tourisme vert, de la voiture propre, du compteur intelligent, du développement durable, de la croissance verte, des biocarburants, du plastique biodégradable, de l'agriculture "climatiquement intelligente" (les OGM) ou "raisonnée", des frappes chirurgicales, de la valorisation énergétique, des humains augmentés, des balles de défense, de la finance verte, des armes non létales, de l'énergie propre, du libre-échange, des poubelles intelligentes, de la mondialisation heureuse, des unités de production d'énergie verte et du grand débat... Autant d'impostures sémantiques euphémisantes ou encomiastiques qui ont terriblement aggravé la situation au lieu de la faire évoluer positivement. Il n'y aura aucun avenir pour le transport aérien de masse car celui-ci est le marqueur d'un monde révolu: celui des charters et des clubs Med, des hotels all-inclusive bunkerisés, des plateaux-repas jetables, du kérosène détaxé, des hôtesses aux fesses pincées, des blagues salaces, des parfums hors de prix, des dentifrices confisqués, des oreilles bouchées, des nuisances sonores, des ratures dans le ciel azur, des terroristes, des pilotes suicidaires et des valises carbonisées éparpillées dans l'océan sur des milles et des milles...

Mais il n'y a aucune fatalité! Tout comme nos ressources, si l'emploi se raréfie, il pourra être davantage et équitablement partagé. Nous savons maintenant que nous pouvons compter sur de nouvelles formes de solidarité durable.

La crise de la COVID-19 n'étant qu'une composante de la métacrise mondiale actuelle qui menace directement notre société d'effondrement, il est de notre responsabilité d'agir dès à présent pour que ce qui a conduit à l'intoxication du monde ne se distille pas à nouveau dans les veines de notre société.

Pour ne pas voir l'avenir de nos enfants hypothéqué sur l'autel des profits immédiats, rejoignez notre banderole le 17 juin 2020 à 18h, sur les quais de la Loire à Tours, au niveau de la guinguette du pont Wilson. La première manif du "monde d'après", ça ne se refuse pas!

Sébastien MOREAU


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