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Zéro Déchet Touraine

Zéro Déchet Touraine émet un avis favorable sur le projet de PRPGD

Vie de l'asso – mardi 16 avril 2019

Retrouvez l'intégralité du texte de l'avis favorable émis ce jour par notre association, au sujet du projet de Plan Régional de Prévention et de Gestion des Déchets (PRPGD), dans le cadre de l'enquête publique commanditée par la Région Centre Val de Loire.

Les autres contributions sont consultables sur la page Démocratie Permanente de la Région CVL.

Sébastien MOREAU

Président de Zéro Déchet Touraine

Centre social Equinoxe

Place du Maréchal Leclerc

37520 LA RICHE

06 33 89 13 13

LA RICHE, le 16/04/2019

                                                                       à          Messieurs les Commissaires enquêteurs

Objet : Contribution de l’association Zéro Déchet Touraine à l’enquête publique sur le projet de PRPGD de la Région Centre Val de Loire

Messieurs,

Notre association a contribué, dès ses débuts, aux travaux de la CCES du PRPGD ayant conduit au projet de PRPGD qui fait actuellement l’objet d’une enquête publique. Nous pouvons attester de la grande qualité de l’organisation des débats menés par la Région Centre Val de Loire qui a conduit à véritablement co-construire, avec l’ensemble des parties prenantes et en toute transparence, un projet ambitieux et réaliste. Nous souhaitons rappeler que le projet de PRPGD a recueilli l’avis favorable de 85,03% des participants (rapportés aux poids des différents collèges) à la CCES du 18 mai 2018, signe qu’il s’agit d’un projet équilibré basé sur un large consensus.

De notre point de vue, les principaux points forts de ce plan concernent notamment:

- Le déploiement des Programmes Locaux de Prévention des Déchets Ménagers et Assimilés (PLPDMA) et des démarches de type Zéro Déchet Zéro Gaspillage (ZDZG) sur l’ensemble du territoire;

- la généralisation du tri à la source des biodéchets, qui devront tous être traités par compostage de proximité, par compostage sur plateforme collective ou par méthanisation au lieu d’être enfouis ou incinérés à partir de 2025 ;

- la mise en conformité des modes de gestion locaux avec la hiérarchisation des modes de traitement fixés par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (2015) ;

- l’interdiction de construire ou de reconstruire des unités de stockage ou d’incinération de déchets non dangereux non inertes tant que la région est en surcapacité de traitement;

- le rappel de la non pertinence, inscrite dans la Loi, de la création de nouvelles installations de Tri Mécano-Biologique (TMB) en cas d’absence de tri à la source des biodéchets;

- le contrôle du développement de la filière des combustibles solides de récupération (CSR), en interdisant notamment l’importation de CSR non régionaux afin de respecter le principe de gestion de proximité des déchets inscrit dans la Loi ;

- la mise en place d’un observatoire régional des déchets et de l’économie circulaire pour une plus grande transparence quant aux résultats obtenus par les collectivités en matière de prévention, de valorisation et de fiscalité ;

- la programmation d’une étude baptisée « Scénario prospectif régional Zéro déchet à l’horizon 2050 » qui lancerait l’ensemble du territoire régional sur une trajectoire ambitieuse à long terme.

En Indre-et-Loire, ce plan est particulièrement nécessaire et attendu.

Il est nécessaire car depuis 130 ans, la priorité a été donnée dans notre département à la destruction et à la valorisation des déchets plutôt qu’à leur réduction à la source, par le biais d’infrastructures coûteuses dont la durée d’exploitation a rarement dépassé la période d’amortissement : incinérateurs de Tours et de Saint-Benoît La Forêt, usine zymothermique de La Riche, usine de broyage-compostage de Joué-les-Tours, d’Amboise, de Benais, décharges contrôlées de Langeais, Pernay, La Celle-Guénand, centres d’enfouissement de Sonzay et de Chanceaux-près-Loches…

Le résultat est que l’Indre-et-Loire a un besoin perpétuel, artificiellement créé et entretenu, de nouvelles installations de traitement, dont les charges d’investissement et de fonctionnement pèsent de plus en plus lourd sur les budgets des collectivités et celui des ménages. Ce gâchis doit cesser! La régionalisation de la stratégie de prévention et de gestion des déchets solutionnera en partie ce problème en exploitant les surcapacités régionales actuelles de stockage et d’incinération, tout en donnant à la prévention des déchets une place prioritaire. Chacun comprendra que, dans une région en surcapacité de traitement, il ne soit pas pertinent de construire de nouvelles infrastructures ou d’agrandir les infrastructures déjà existantes. Chacun comprendra aussi que, compte-tenu de l’augmentation prévisible du transport intra-régional de déchets, la seule solution pérenne envisageable est une réduction drastique de notre production individuelle et collective de déchets. Les objectifs définis dans le PRPGD sont donc parfaitement réalistes et atteignables, à condition de changer nos pratiques. De nombreuses associations, telles que la nôtre, sont prêtes à s’engager aux côtés de la région Centre Val de Loire afin que les objectifs du PRPGD soient atteints, par l’innovation, la mobilisation citoyenne, l’accompagnement, la formation, l’éducation populaire et l’action militante.

Ce plan est également très attendu car nous subissons actuellement la vision technophile et rétrograde de quelques élus tourangeaux influents qui s’entêtent à vouloir traiter la question des déchets comme au siècle dernier : par le haut, sans concertation et sans aucun intérêt pour le long terme.

Ainsi, M. Jean-Luc GALLIOT, Président de Touraine Propre et Vice-Président de Tours Métropole Val de Loire (TMVL) délégué́ aux politiques environnementales et à la qualité de vie, nous a affirmé le 26 avril 2018 qu’il était personnellement défavorable à la mise en place de la collecte séparée des biodéchets et qu’il était personnellement hostile, sur la base d’une étude de préfaisabilité de 2012 qui n’a pas été réactualisée depuis, à la tarification incitative (la retranscription intégrale de cet entretien est consultable en ligne). En revanche, il appelle de ses vœux la construction d’un centre de tri mécano-biologique (TMB) en vue de méthanisation car il ne prévoit pas « de diminution drastique des déchets non triés avant 2030 » et a donc décidé de réduire le budget métropolitain alloué à la prévention des déchets. En somme, une vision à 180 degrés des objectifs du PRPGD, de la FREC et de la Loi TECV, qui s’inscrit dans la continuité du plan départemental de prévention et de gestion des déchets non dangereux (PPGDND), dont les objectifs en termes de réduction des déchets étaient particulièrement modestes. M. GALLIOT a pratiqué avec une constance remarquable la politique de la chaise vide à la CCES PRPGD, d’évidence parce que la mise en place du plan régional contrarie directement ses projets de TMB et de réalisation d’économies budgétaires. Nous ne pouvons pas accepter que cette personne, qui occupe un double poste stratégique échappant à la sanction directe des urnes, bloque à elle seule la volonté de centaines de milliers d’habitants d’aller vers une fiscalité plus juste en matière de déchets, vers une plus grande responsabilisation des acteurs (entreprises, administrations, associations, milieux académiques…) et vers une implication citoyenne accrue dans la gouvernance locale. Autant d’objectifs démocratiques que porte en lui le PRPGD. A titre d’illustration, nous rappelons que M. GALLIOT a qualifié de « comité Théodule », le panel citoyen constitué par la Région Centre Val de Loire chargé de rencontrer les acteurs de terrain impliqués dans la prévention et la valorisation des déchets, complétant ainsi les travaux de la CCES PRPGD. Un bel exemple de mépris pour la démocratie participative.

Ainsi également de M. Philippe MASSARD, président du SMICTOM du Chinonais, que nous avons rencontré le 23 octobre 2018 et pour qui « la prévention des déchets est accessoire » (entretien intégral consultable en ligne). De fait, sous la présidence MASSARD, le SMICTOM du Chinonais n’a créé qu’une vingtaine de sites de compostage partagé pour 75 000 habitants, soit à peine ¼ de composteur collectif pour 1000 habitants… Nous avons collecté des témoignages indiquant que plusieurs demandes d’installation de composteurs partagés, émanant de structures publiques ou privées, ont été refusées sans aucun motif valable par M. MASSARD, ce qu’il a d’ailleurs en partie confirmé lors de notre entretien. Dans le même temps, le budget prévention du SMICTOM est resté limité à 1% seulement du budget global de la structure. Selon le rapport d’activité 2017 du SMICTOM, la production d’ordures ménagères par an et par habitant n’a diminué que de 16,9% en 18 ans sur le territoire qu’il gère, soit une baisse de seulement 0,9% par an en moyenne. Nous avons calculé qu’à ce rythme et compte-tenu de l’accroissement démographique (+0.4%/an), il faudrait attendre 110 ans pour que le SMICTOM réduise de moitié les tonnages qu’il fait actuellement incinérer. Voilà la « bonne prise en compte des enjeux locaux », qui auraient été ignorés, selon M. MASSARD, par la rédaction du PRPGD. On voit bien ici que sans cadre règlementaire contraignant imposé par le législateur, sans une injonction forte émanant de l’échelon régional, sans objectifs ambitieux inscrits dans le PRPGD, rien ne risque de changer dans des EPCI tels que celui-ci. Dans son avis sur le projet de PRPGD, M. MASSARD qualifiait sèchement « d’utopiques » certains objectifs (sans les préciser, ni expliquer sur quoi cet argument d’autorité pouvait bien être fondé). Nous considérons que ce qui est utopique, c’est la croyance de M. MASSARD que tout pourra, indéfiniment, continuer comme avant.

Le problème est que ces postures politiques, que nous qualifions sans détour de climato-sceptiques dans la mesure où elles s’opposent sans base rationnelle aux politiques qui seraient plus favorables à la préservation du climat, retardent la mise en œuvre de la transition énergétique sur les territoires concernés, mais aussi au-delà. Ainsi, certaines communautés de communes qui dépendent des capacités de traitement de TMVL et/ou du SMICTOM du Chinonais sont directement sous l’influence des politiques anti-prévention qui y sont menées. La Communauté de Communes Loches Sud Touraine, par exemple, s’est récemment séparée de sa Responsable Prévention et Gestion des déchets alors que celle-ci menait des actions de prévention remarquées sur son territoire, puis s’est prononcée contre le projet de plan en reprenant mot pour mot l’argumentaire de M. GALLIOT (utilisé dans les avis de Touraine Propre et de la Métropole TMVL), selon lequel les objectifs du plan seraient « très ambitieux voire irréalistes car ils dépassent les objectifs de la loi de transition énergétique » et que « dans le comité de pilotage mis en place pour l’élaboration du plan, les associations étaient largement représentées au détriment des professionnels des activités du déchet et des collectivités territoriales ». C’est évidemment fallacieux dans la mesure où la Loi ne fixe pas les frontières du réel, mais simplement un cap politiquement négocié et compatible avec la Constitution. De plus, les associations n’occupaient que 22% des sièges à la CCES, contre 67% pour les « professionnels ». Quand bien même la proportion de sièges occupés par les associations eut été plus élevée, les objets sociaux de celles-ci sont très divers et leurs compétences sur le sujet, effectives. L’avis défavorable de la Communauté de Commune Touraine Vallée de l’Indre va exactement dans le même sens que ceux de MM. GALLIOT et MASSARD et révèle que ce qui contrarie vraiment certaines collectivités d’Indre-et-Loire est que le PRPGD demande « des efforts importants aux collectivités » et qu’il compromet l’avenir de l’UVE du SMICTOM du Chinonais et le projet de TMB de TMVL. Voilà le fond du problème : l’intérêt général sacrifié au nom des intérêts particuliers d’une poignée d’acteurs.

Nous considérons évidemment que ces cris d’orfraie sont plutôt bon signe. Ils indiquent que le PRPGD va offrir à la Touraine et à toute la Région Centre Val de Loire une chance historique de rompre avec des politiques de prévention quasiment virtuelles et des pratiques de gestion des déchets globalement inefficaces car incapables de réduire significativement les tonnages de déchets résiduels sur le temps long.

Nous regrettons toutefois que le plan ne garantisse pas les conditions du succès de sa mise en œuvre en encourageant les collectivités à adopter un certain plancher budgétaire consacré à la prévention, qui pourrait être exprimé soit en pourcentage du budget global « déchets » soit en euros par habitant.

Nous constatons également qu’il serait nécessaire d’ajouter des prescriptions quant aux installations de traitement des biodéchets à créer (nombre ou densité recommandés par territoire). Il serait aussi utile de préciser des objectifs de formation de la population au compostage de proximité selon le référentiel GEPROX de l’ADEME, exprimés par exemple en nombre de référents de site, guides-composteurs ou maîtres-composteurs à former d’ici 2025 pour 1000 habitants. Il serait opportun que la Région interdise clairement la construction de nouveaux TMB, dans la mesure où la rentabilité économique de ce type d’installation n’est plus garantie dès lors que le flux d’OMR diminue grâce à la prévention, que les biodéchets sont collectés à la source et que les plastiques sont correctement triés, trois objectifs majeurs que le PRPGD entend fixer. Sans parler du prix de vente des CSR sur le marché, déjà très bas et dont rien ne saurait garantir qu’il ne s’effondrera pas à l’avenir sous l’effet de l’augmentation du nombre de TMB et d’usines de production de CSR en service. Nous soulevons également l’ambiguïté de l’expression « d’installation d’incinération » qui devrait être plus précisément définie en incluant explicitement les UVE, dans la mesure où la technologie d’incinération des déchets est la même, qu’il y ait ou pas récupération de chaleur. Cette définition doit pouvoir par exemple s’appliquer à l’installation de Saint-Benoit-La-Forêt, gérée pour le compte du SMICTOM du Chinonais. Cette installation doit être arrêtée et démantelée. Elle arrive en effet en fin de période d’exploitation. Son démantèlement ne coûterait qu’1.5 million d’euros HT (contre 32.2 à 33.7 millions d’euros HT en cas de reconstruction ou de revamping, selon le cabinet Merlin). Son arrêt définitif encouragerait l’hôpital attenant à développer des solutions pour un approvisionnement en énergies renouvelables et propres et obligerait le SMICTOM à se lancer dans une réelle politique de réduction des déchets à la source. Actuellement le scenario adopté par le SMICTOM est celui d’une reconstruction de cet incinérateur. Il est basé sur trois prérequis incompatibles avec le PRPGD : -1%/an de réduction des OMR seulement entre 2015 et 2025, une stagnation de ce pourcentage entre 2025 et 2045 et l’importation d’OMR depuis d’autres régions françaises (Nouvelle Aquitaine, Pays de la Loire).

Nous souhaitons également rappeler le nécessaire encadrement du développement de la filière CSR, qui ne doit pas s’effectuer au détriment de la prévention ou du tri, par un chiffrage des quantités annuelles maximales de CSR autorisées à être produites en Région Centre Val de Loire.

Je vous remercie par avance pour l’attention que vous porterez à notre avis favorable à l’égard du projet de PRPGD et je vous prie d’agréer, Messieurs l’expression de mes sincères salutations.

                                                                                                                      A La Riche, le 16/04/2019

Sébastien MOREAU

Président de Zéro Déchet Touraine


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